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veau moins volumineux, moins lourd et moins complexe que celui de l’homme, est un « cerveau d’enfant » ; ses muscles moins développés n’ont pas de forces d’attaque et de résistance ; les os de son avant-bras, de son bassin, le col de son fémur, enfin tout son système osseux, musculaire et nerveux ne lui permettent que le train-train de la maison. La nature la désignait par tous ses organes pour être la servante de l’homme, comme le vilain Dieu des juifs et des chrétiens avait marqué par sa malédiction la race de Cham pour l’esclavage.

L’histoire apportait son éclatante confirmation à ces vérités ultra-scientifiques ; les philosophes et les historiens affirmaient qu’elle enseigne que toujours et partout la femme subordonnée à l’homme avait été enfermée dans la maison, dans le gynécée : si tel avait été son sort dans le passé, telle devait être sa destinée dans l’avenir, déclarait positivement Auguste Comte, le profondissime philosophe bourgeois. Lombroso, le farceur illustre, lui allongea le coup de pied de l’âne ; il assura sérieusement que la statistique sociale proclamait l’infériorité de la femme, puisque le nombre des criminels féminins est inférieur à celui des criminels masculins ; pendant qu’il était plongé dans les chiffres, il aurait pu ajouter que la statistique de la folie constate la même infériorité. Ainsi donc morale, anatomie, physiologie, statistique sociale et histoire rivent pour toujours la femme à la servitude domestique.


II

Bachofen, Morgan et bien des anthropologistes ont revisé l’opinion des historiens et des philosophes sur le rôle de la femme dans le passé : ils ont montré que partout la famille paternelle, qui subordonne la