Page:Ladvocat - Dictionnaire historique - 1822 - Tome 5.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pelé des Pays-Bas en 1629, les affaires d’Espagne y allèrent depuis en décadence. Il prit Casal et le château de cette ville en 1630, et mourut peu de temps après, d’une maladie causée par le chagrin d’avoir été gêné dans ses opérations.

SPINOLA (Charles), célèbre jésuite de la même maison que le précédent, fut envoyé en mission au Japon, et fut brûlé vif à Nangasaqui, pour la foi de Jésus-Christ, le 10 septembre 1622. Le père d’Orléans, jésuite, a publié sa vie en français.

SPINOSA (Bénit ou Bénédict), et non pas Benoit, pour éviter l’équivoque du nom de saint Benoît que les juifs ne respectent pas assez pour le donner à leurs enfans, naquit à Amsterdam le 24 novembre 1632, d’un juif portugais, marchand, d’une fortune médiocre. S’étant livré tout entier à la philosophie, il connut bientôt du mépris pour les opinions des rabbins et pour le judaïsme. Il déclara hautement ses doutes et sa croyance, et s’éloigna peu à peu de leur synagogue. Cette conduite souleva tellement les juifs contre lui, qu’un d’eux lui donna un coup de couteau en sortant de la comédie. Spinosa rompit alors entièrement avec les juifs, ce qui les porta à l’excommunier. Il composa en espagnol une Apologie de sa sortie de la synagogue ; mais cet écrit n’a point été imprimé. Depuis qu’il eut renoncé au judaïsme, il professa ouvertement l’Évangile, et fréquenta les assemblées des mennonites, ou celle des arminiens d’Amsterdam. Il approuva même une confession de foi qu’un de ses amis intimes lui communiqua. Spinosa préféra la philosophie de Descartes à toutes les autres, et renonça en quelque sorte au monde, afin de philosopher avec plus de liberté. Il se débarrassa de toutes sortes d’affaires, abandonna Amsterdam, et se retira à la campagne, où il médita à son aise, travailla à des microscopes et à des télescopes, et s’égara tellement dans ses pensées, qu’il tomba dans l’athéisme. Il continua ce genre de vie, lorsque dans la suite il alla s’établir à la Haye, laissant quelquefois passer trois mois entiers sans sortir de son logis. Cette vie cachée n’empêchait pas qu’on ne parlât de lui de toutes parts, et les esprits forts de l’un et de l’autre sexe lui rendaient de fréquentes visites. La cour palatine lui fit même offrir une chaire de philosophie à Heidelberg ; mais il la refusa, comme un emploi peu compatible avec le désir qu’il avait de philosopher avec liberté et sans interruption. Il mourut de phthisie à la Haye le 21 février 1677, à 45 ans. On assure qu’il était petit, jaunâtre, qu’il avait quelque chose de noir dans la physionomie, et qu’il portait sur son visage un caractère de réprobation. On ajoute néanmoins que Spinosa était d’un bon commerce, affable, honnête, officieux, et fort réglé dans ses mœurs ; ce qui est étrange dans un homme qui a rédigé le premier l’athéisme en système, et en un système si déraisonnable et si absurde, que Bayle lui-même, qui a si souvent abusé de ses talens pour donner un air de probabilité et de vraisemblance aux erreurs les plus monstrueuses, n’a trouvé dans le Spinosisme que des contraditions et des hypothèses absolument insoutenables. Les deux ouvrages de Spinosa qui ont fait le plus de bruit, et qui contiennent son système impie et abominable, sont 1o son traité intitulé Tractatus theologico-politicus, Hamburgi, 1670, in-4o, lequel a été traduit et publié en français sous différens titres. Voyez Glain (N. S.) ; 2o ses Opera posthuma, 1677, in-4o. C’est dans ce dernier ouvrage qu’il développe et qu’il entreprend de prouver ses erreurs. Il y soutient qu’il n’y a qu’une substance dans la nature, et que cette substance unique est douée d’une infinité d’attributs, et entre autres, de l’étendue et de la pensée. Il assure ensuite que tous les corps qui se trouvent dans l’univers sont des modes et des modifications de cette substance en tant qu’étendue ; et que les autres êtres, par exemple les âmes des hommes, sont des modes de cette substance en tant que pensée. Il ose donner à cette substance le nom de Dieu, et il soutient qu’il n’est point libre, et que tout se passe nécessairement dans la nature. En un mot, Spinosa assure qu’il n’y a qu’une substance et qu’une nature, et que tout ce que nous appelons créatures ne sont que des modifications de cette substance ou de ce Dieu. Il ôte même