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s’acquit ensuite une si grande réputation par ses sermons à Rome, à Gènes, à Pérouse et ailleurs, qu’il fut nommé commissaire-général à Bologne, et inquisiteur à Venise ; mais s’étant brouillé avec le sénat et avec les religieux de son ordre, il fut contraint de s’enfuir de cette ville. Comme on le raillait sur son évasion précipitée, il répondit qu’ayant fait vœu d’être pape à Rome, il n’avait pas cru devoir se faire pendre à Venise. À peine fut-il arrivé à Rome qu’il devint l’un des consulteurs de la congrégation, puis procureur-général de son ordre, par la protection des cardinaux Carpi, Alexandrin et Marc-Antoine Colonne, auquel il avait enseigné la philosophie. Il accompagna en Espagne le cardinal Buon Compagno, en qualité de théologien du légat et du consulteur du Saint-Office. C’est alors qu’il changea tout à coup son humeur sévère et qu’il devint si complaisant que tous ceux qui le voyaient étaient charmés de la beauté de son esprit et de la douceur de son caractère. Cependant le cardinal Alexandrin, étant devenu pape sous le nom de Pie V, se souvint de Montalte et lui envoya en Piémont un bref de général de son ordre. Il voulut aussi l’avoir pour son confesseur extraordinaire, et lui donna l’évêché de Sainte-Agathe en 1568, puis le chapeau de cardinal. Le cardinal Buon Compagno ayant succédé à Pie V en 1672, sous le nom de Grégoire XIII, Montalte ne songea plus qu’à parvenir à la même dignité. Dans cette vue il renonça volontairement à toutes sortes de brigues et d’affaires, se plaignit des infirmités de sa vieillesse, et vécut dans la retraite, comme s’il n’eût travaillé qu’à son salut. Grégoire XIII étant mort les cardinaux se divisèrent en cinq factions. Montalte se faisait alors plus vieux qu’il n’était, ne paraissait que la tête penchée sur l’épaule, appuyé sur un bâton comme s’il n’eût pas eu la force de se soutenir, et ne parlait plus qu’avec une voix interrompue d’une toux qui semblait à tous momens le menacer de sa fin dernière. Quand on l’avertit que l’élection pourrait bien le regarder, il répondit avec humilité qu’il était indigne d’un si grand honneur, qu’il n’avait pas assez d’esprit pour se charger seul du gouvernement de l’Église ; que sa vie devait moins durer que le conclave, et parut être résolu si on l’élisait de ne tenir que le nom de pape, et d’en laisser l’autorité. Il n’en fallut pas davantage pour déterminer les cardinaux à l’élire, le 24 avril 1585. À peine fut-il élu qu’étant sorti de sa place il jeta le bâton sur lequel il s’appuyait, leva la tête droite et entonna le Te Deum d’une voix si forte que la voûte de la chapelle en retentit. Il prit le nom de Sixte V, en mémoire de Sixte IV qui comme lui avait été cordélier. On ne vit jamais un homme ni plus exact ni plus appliqué à remplir ses devoirs. La sévérité avec laquelle il fit rendre la justice apporta la sûreté et l’abondance dans Rome et dans l’État ecclésiastique. Il n’épargna ni les juges que les prières, l’argent ou les brigues avaient corrompus, ni ceux qui, en faveur de leurs amis ou de leurs parens, étaient convaincus d’avoir commis quelques injustices. Les Français peuvent lui reprocher sa partialité pour la ligue, mais une ligue faite en apparence pour soutenir la religion catholique pouvait elle n’être pas favorisée du pape ? Sa bulle contre Henri III et le prince de Condé a occasionné des réponses estimées : Brutum Fulmen, 1585, in-8o ; La Fulminante pour Henri II, in-8o ; Moyens d’abus du rescrit et bulle de Sixte V, 1586, in-8o ; Aviso piacevole sopra la mentita data dal re di Navarra a papa Sixto V, Monaco, 1586, in-4o. Si Sixte V s’est fait honneur dans l’administration politique, il ne s’en est pas moins fait par sa magnificence. Il fit des dépenses incroyables pour l’ornement non-seulement de la ville de Rome, mais encore de toutes celles de l’État ecclésiastique. Il fit tirer de terre ce prodigieux obélisque de 72 pieds de haut, et le fit élever dans la place du Vatican, où il dressa la bibliothèque, qui est un de ses chefs-d’œuvre. Il fit bâtir dans l’église de Sainte-Marie-Majeure une chapelle revêtue de marbre blanc, enrichie de festons et de feuillages ; et voyant que le mont Quirinal avait besoin d’eau, il y en fit couler d’une source vive et abondante, par un aqueduc qui lui coûta près d’un million. À côté de la galerie qu’il fit faire sur le portail de l’église de Saint-Jean-de-Latran, il fit bâtir un superbe