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L’ONCLE ISIDORE

sauge semblait s’être gravée dans sa mémoire malgré lui ; elle venait l’absorber quoi qu’il fît.

— C’est aujourd’hui, dit-il enfin, en allant, suivi du fidèle Pitiou s’asseoir dans une ravine de la montagne d’où il apercevait toute la ville à ses pieds, comme d’une bonne loge on voit la scène.

Ce jour-là il était plus préoccupé que d’habitude et resta bien plus tard, malgré l’énergie qu’apporta son compagnon à remplir fidèlement son devoir d’horloge.

Lou-Pitiou, une fois qu’il eût mis sa conscience en repos, s’arrangea le moins mal possible au pied de son ami, où il attendit, sans plus de souci, le bon plaisir d’Étienne.

La nuit était peu à peu descendue sur la ville, et l’ombre gagnait à son tour la montagne. Les maisons de Candelair s’éclairaient les unes après les autres ; ces points lumineux, au milieu desquels il s’en trouvait quelques-uns de mobiles, ressemblant à des étoiles filantes, le firent longtemps rêver.

La maison occupée par Mme Malsauge devint en peu de temps la plus rayonnante de toutes. Le regard du jeune homme resta longtemps fixé sur les grandes fenêtres ouvertes qui laissaient voir des ombres allant et venant dans les salons.

Comme il les envia ces ombres, qui avaient le droit de vivre !

Tout à coup il se leva brusquement : un éclair de raison venait de traverser son cerveau.

— Allons, dit-il, je suis fou ! Arrêtons-nous là ; ne touchons pas au ridicule : n’est-ce pas assez d’être déjà hors la loi commune sans attirer sur moi la pitié de tous