Page:Lacroix - La Perle de Candelair.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
LA PERLE DE CANDELAIR

Étienne avait une élégance native ; d’instinct, il savait se mettre, ou, pour parler d’une façon plus claire, il aurait su se mettre s’il avait eu l’argent indispensable pour cela. Mais la parcimonie de son oncle, et, avant tout, sa dignité qui l’empêchait de demander quoi que ce soit à M. Letourneur, le réduisaient aux vêtements qu’il avait apportés de Paris.

On sait de quelle façon il vivait dans ce Paris qu’on lui avait si brusquement fait quitter. On ne s’étonnera donc pas quand nous dirons qu’un vêtement de soirée lui ayant paru un luxe fort dispendieux et parfaitement inutile, il n’avait pas d’habit noir, pas plus que de gilet ni de cravate blanche. N’ayant jamais été dans le monde, il n’avait rien de ce qui était nécessaire pour y aller.

Bientôt il comprit que la privation du plaisir qu’il s’était promis n’était ni le seul, ni le plus pénible des sacrifices qui lui restaient à faire.

Quelque bonne qu’elle fût, sa raison de ne point accepter l’invitation qu’il avait reçue, n’étant pas de celles qu’il est permis de faire connaître, il allait se voir forcé de commettre une impolitesse vis-à-vis de M. et de Mme Malsauge, car il n’avait pas plus d’habit pour faire une visite d’excuse que pour se rendre à leur soirée.

Cette position à la fois ridicule et pénible, amena jusqu’au bord de sa paupière une larme de dépit.

Le premier moment de faiblesse passé, Étienne tâcha d’oublier qu’il aurait pu voir de près cette femme dont l’image remplissait tous ses rêves et vivre, ne fût-ce que quelques heures, de la vie joyeuse des heureux de ce monde.

Mais la date du jour marqué pour la soirée de Mme Mal-