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L’ONCLE ISIDORE

qui arrivait, il n’en conçut ni vanité, ni espérance, ces deux plantes qui poussent si vite dans l’esprit des hommes de son âge.

Cette invitation lui donna des sensations et des frissons de plaisir analogues à ceux que doivent éprouver les jeunes filles quand elles se voient revêtues de leur première robe de bal.

Ces quelques mots à son adresse, c’était la porte ouverte sur ce monde où ses désirs l’avaient si souvent porté ; c’était le plaisir, la joie, la causerie avec des femmes jeunes, belles — toutes les femmes sont belles quand on a vingt ans — parées. La parure ! quel autre charme pour des yeux avides de couleurs chatoyantes, de lumières, d’épaules et de bras nus !

Quel est l’homme à l’âge d’Étienne, surtout avec la vie monacale qu’il avait menée, qui n’a pas eu des songes tout remplis de ces visions, dignes du paradis de Mahomet ?

S’il en est un, qu’il n’aille pas plus loin : il ne comprendrait pas la douleur du jeune homme quand sa raison lui démontra l’impossibilité de passer par cette porte qui venait de s’ouvrir devant lui, et de pénétrer dans ce salon lumineux, duquel il était forcé de s’exiler lui-même.

— Hélas ! je n’ai pas le droit d’être jeune, d’agir comme ceux de mon âge, se dit Étienne, quand il songea que, pour aller dans le monde, il faut remplir certaines conditions de fortune et d’indépendance personnelle.

Les mêmes raisons qui m’ont empêché de finir mon droit et me retiennent ici, me font solitaire à tout jamais !