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LA PERLE DE CANDELAIR

Les grands yeux bleus, un peu fiers, de la jeune femme, le suivirent donc après qu’il se fût éloigné. Les bandeaux de ses cheveux châtains et sa bouche légèrement pâle, restèrent dans son souvenir comme deux choses charmantes à voir. Il ne se rappelait pas avoir jamais rencontré rien de si parfaitement harmonieux.

En un mot, il était amoureux !

Pour faire bien comprendre comment cet amour était venu, comment, même, il était impossible qu’il, ne vînt pas, il nous faut revenir un peu en arrière, et parler de la vie, de la vie intellectuelle surtout, qu’avait menée Étienne après avoir quitté Paris.

En arrivant à Candelair, il avait le cœur et l’esprit entièrement vides et libres, ce qui est presque toujours une espèce de souffrance et dans tous les cas ne vaut jamais rien pour les hommes de son âge. La solitude dans laquelle il vivait à la Chartreuse venant aggraver encore cet état de choses, il s’était jeté tout entier dans une voie où l’imagination seule est active, où les entraves de la vie matérielle et réelle ne peuvent pins être un frein, toute l’action se passant dans le secret de la pensée.

Rien ne brise et n’use une âme jeune et active comme ce travail incessant dons lequel elle est à la fois la meule et le grain.

Étienne ne tarda pas à faire fi de tout ce qui lui avait semblé autrefois d’énormes jouissances, pour s’absorber complètement dans ce royaume de la féerie que se créent les esprits ardents qui ont constamment été sevrés de tous les plaisirs, de tous les bonheurs et qu’on a brusquement arrachés à toute occupation.

Il n’avait plus ni le désir d’aspirer à son indépen-