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L’ONCLE ISIDORE

— Du moins son oncle le dit. Mais je crois plutôt que, comme ses parents ne reçoivent à peu près personne, il ne connaît pas grand monde. Il sera pourtant riche quelque jour, car M. Letourneur a une belle maison qu’on appelle « la Chartreuse. » Mes parents disent qu’il a pas mal d’argent placé et qu’il en place encore tous les ans. Ce sera quelque jour l’héritage de M. Étienne, etc.

Tout cela avait été arraché à la jeune fille par des « ha ! — comment ? — bien vrai ! » par ces mille petites interjections qui se posent comme autant de questions ; et Mariette s’aperçut enfin que comme Étienne la faisait autrefois parler de Mme Malsauge, Mme Malsauge la questionnait aujourd’hui sur Étienne.

La chose lui déplut autant d’un côté que de l’autre ; la jeune femme cependant avait l’air si parfaitement indifférent, que l’ouvrière ne put se figurer, malgré sa méfiance, qu’un intérêt quelconque ou une arrière-pensée eussent dicté ses questions.

Étienne avait enfin vu cette belle Mme Malsauge dont il avait si souvent parlé et de laquelle il avait fait une des préoccupations de son esprit. Il l’avait trouvée d’autant plus belle, qu’à prendre le mot de « jolie » dans son habituelle et complète signification, elle n’était pas jolie du tout.

Seulement la grâce, chez elle, semblait innée ; elle avait l’allure d’une finesse et d’une distinction exquises, et sa physionomie qui était spirituelle et douce tout à la fois, — ce qui est tout simplement la difficulté vaincue pour un visage de femme, — devait rester profondément gravée dans l’esprit d’un homme habitué comme Étienne à vivre par la pensée.