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L’ONCLE ISIDORE

tenir à la vie qu’ils mènent, dit Mme Daubrée en levant les mains et les yeux vers le ciel, comme si elle avait assisté au renversement de toutes les choses établies.

— Mais, fort bien, je vous assure, reprit Mariette. Dans cette maison on se porte à merveille ; on est toujours d’une humeur charmante. Monsieur est fort sérieux ; madame est comme un papillon en mouvement ; les choses n’en vont pas plus mal pour cela. Au reste, si monsieur est sérieux, cela tient sans doute à sa position plus encore qu’à son âge ; car être receveur général n’est pas la moindre des choses.

— Je le crois bien, reprit Mme Daubrée, c’est une des grosses positions de Candelair.

— Nous n’avons pourtant pas encore eu un receveur général menant ce train-là, reprit Mariette.

— Le fait est, ajouta Mme Daubrée, que tout le monde en parle. On dit que c’est un luxe dans cette maison !

— On ne dit rien qui ne soit, continua Mariette. Mais ce qu’il y a d’étonnant, c’est la générosité de madame et l’habitude qu’elle a d’avoir toujours les mains ouvertes.

— C’est bien ce qu’on m’avait raconté, murmura Mme Daubrée ; pas la moindre économie !

— On dit, madame, qu’ils n’en ont pas besoin, reprit Mariette de ce ton simple, qui donne une si grande force aux choses dites.

L’idée que faisait naître cette réflexion tomba comme un fait étrange devant l’esprit de Mme Daubrée : — n’avoir nul souci de l’économie ! — elle dont l’existence tout entière s’était usée à épargner quelques pièces de cent sous. Ce seul point suffisait à placer Mme Malsauge et M. le receveur général dans un monde qu’elle ne pou-