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L’ONCLE ISIDORE

que la femme de chambre de Mme Malsauge désirait lui parler.

Mme Daubrée relevait déjà la tête, comme pour calculer le temps que tout ce dérangement pourrait bien faire perdre à son ouvrière : mais celle-ci répondit, sans faire mine de se déranger :

— Je sais ce que me veut Mme Malsauge. Dites, je vous prie, à sa bonne, que je passerai chez elle ce soir, après ma journée. Le plus souvent, ajouta-t-elle à demi-voix, que je vais lâcher comme cela une piqûre au beau milieu pour que mon linge n’ait pas bonne grâce ! On a besoin de gagner sa vie, c’est vrai ; mais cela n’empêche pas de tenir à la réputation de son aiguille.

— Pauvre bon cœur ! pensa Étienne, en jetant malgré lui un coup d’œil vers la jeune fille.

— C’est là une ouvrière ! murmura Mme Daubrée à l’oreille de l’oncle Isidore qui, après avoir joui de la béatitude que procure un bon dessert suivi d’un fin moka lentement savouré, demanda ses gants, son chapeau et se mit en devoir d’aller faire son tour par la ville.

Quelque affection qu’eût Mme Daubrée pour son frère, elle ne voyait jamais arriver ce moment sans une certaine satisfaction. Letourneur étant là, il n’était guère possible de se mettre à causer soit avec la domestique, soit avec l’ouvrière, les jours où elle était à la maison, ou du moins de causer d’une façon suivie. Il fallait à tout instant, à tout propos s’occuper du maître : les mille petits soins qu’on lui rendait absorbaient tout le monde.

Ce n’était pas que lui-même fût indifférent à ce que pouvait apprendre la bonne en allant au marché, la couturière dans les maisons où elle travaillait ; mais il était