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L’ONCLE ISIDORE

— Il a bien mauvaise mine, continua la vieille dame, pensant apitoyer son frère en faveur de son petit-fils. Il est pâle, amaigri, et ses yeux ont des éclairs qui certainement lui viennent de la fièvre.

— C’est là, dit sentencieusement M. Letourneur, le fruit ordinaire de l’inconduite, le résultat d’une vie désordonnée.

Mme Daubrée n’osa plus rien ajouter tant elle craignait d’aggraver la position d’Étienne. Elle se contenta de faire mentalement une prière pour le pauvre enfant, le recommandant à son patron et à tous les saints du paradis, puis elle se dirigea vers la salle à manger pour regarder un peu l’ouvrage fait depuis le matin, par la couturière qu’elle avait mise à l’œuvre avant de partir pour la messe.

Cette jeune fille, — c’était une jeune fille, — était tout à fait une enfant du peuple. Son père était portefaix, sa mère vendait des oranges ou des fruits, selon la saison, dans une petite boutique sur le marché, et ce n’était certainement ni dans la société de l’un, ni dans celle de l’autre, qu’elle avait puisé la timidité et la retenue dont elle avait la réputation de faire preuve dans les maisons où elle travaillait à la journée.

Toute mince, d’une extrême délicatesse, elle avait été jugée trop faible par ses robustes parents pour faire autre chose que tirer l’aiguille. Mise en apprentissage chez les dames de la Miséricorde, communauté où s’exécutaient les travaux de fées de la ville, elle était vite devenue une des plus habiles parmi les plus habiles, et toutes les ménagères soigneuses de leur linge se l’arrachaient pour raccommoder, mettre en ordre et repasser leurs lessives,