Page:Lacroix - La Perle de Candelair.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
LA PERLE DE CANDELAIR

Quant à Étienne il avait de nouveau ouvert son esprit aux craintes du lendemain. L’image de son oncle, le bruit de ses raisons révoltantes, les sermons impossibles de sa grand’mère, firent comme une ombre à son sommeil.

Il rêva qu’on lui faisait servir la messe de M. l’abbé ; qu’il buvait du vin tourné dans les burettes de la sacristie, que l’oncle Isidore, l’habillant de son immense redingote, lui mettait aux mains ses gants de filoselle et l’emmenait au cercle pour faire sa partie. Puis c’était Mme Daubrée qui ayant vu de nombreuses taches de boue sur les parquets de la maison, l’obligeait à se traîner sur les genoux pour ne plus salir le logis.

C’était enfin un tel concours de petites misères, qu’Étienne au réveil resta longtemps à démêler ce qu’il y avait de vrai dans tout cela.

Lorsque ses yeux furent tout grands ouverts, lorsqu’il eut fait la part du rêve et celle de la réalité, il sourit tristement, se disant à part lui :

— Tout n’est pas mensonge dans les songes, et, certes, beaucoup de petites douleurs m’attendent ici. Seulement, puisque je peux espérer y recouvrer la santé, qui est pour les pauvres la première des richesses, prenons-la, et armons-nous de patience, voire même d’un peu d’indifférence : c’est une cuirasse sans défaut.

Ce fut dans ces dispositions d’esprit qu’il vint se mettre à table lorsque la vieille servante l’eut appelé.

— Le petit est arrivé, dit Mme Daubrée en abordant son frère le matin.

— Ah ! répondit l’oncle Isidore d’une voix indifférente.