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L’ONCLE ISIDORE

si bien comptées, qu’un jour sans travail était aussi un jour sans nourriture, à moins de rompre l’équilibre que j’avais eu tant de peine à établir entre les ressources que je m’étais créées et mes besoins quotidiens.

J’arrive maintenant à la grosse question : J’ai fait des dettes ! c’est vrai, puisque j’ai pris moi-même la peine de vous en instruire.

Mais après deux ans et demi de réclusion, de travail forcé, de nourriture insuffisante ou mauvaise, quand ce n’était pas l’un et l’autre à la fois, je suis tombé à bout de forces, non d’énergie ; de volonté, non de courage. Moi qui étais habitué à respirer notre air vivifiant et pur, à passer toutes mes heures de liberté sur la montagne, à faire usage de mes bras et de mes jambes, je me suis étonné lorsque la maladie m’a fait impuissant à tout travail ; mais je me suis étonné que cela ne me fût pas arrivé plus tôt.

— Pauvre enfant ! dit Mme Daubrée, pourquoi n’étais-tu pas ici ? J’aurais pu te soigner, au moins ! Crois bien que ton oncle ne t’aurait, certes, laissé manquer de rien, ajouta-t-elle, tant l’éloge de son frère était le corollaire obligé de toute phrase, tant l’habitude est une seconde nature.

Toute la secrète colère d’Étienne tomba et s’évanouit devant cette excellente, mais aveugle créature, qui, en effet, comme elle venait de le dire, ne comprenait pas le jeune homme.

— Il est vrai, poursuivit-il, pourquoi n’étais-je pas ici ! — Il prit en même temps dans ses deux mains la tête de la vieille femme, l’embrassa tendrement sur ses cheveux blancs en lui disant d’une voix affectueuse, mais