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LA PERLE DE CANDELAIR

— À Paris, où vous me reprochez d’avoir fait des folies, d’avoir perdu mon temps et mon argent, j’ai vécu de misère, car la misère ne tue pas la jeunesse, elle ne brise que son corps. Les privations de toutes sortes m’accompagnaient pas à pas : chaque heure de ma vie avait la sienne.

Mon oncle, dites-vous, m’envoyait de l’argent ! Juste de quoi mourir de faim régulièrement trois semaines par mois, et de quoi vivre fort juste le reste du temps. — Paris et Candelair, voyez-vous, il y a quelque différence, dit encore le jeune homme, en réponse à un autre mouvement de Mme Daubrée.

Mais, continua-t-il après un moment de silence, je voulais être avocat, parce que, pour moi, entrer dans le barreau, c’était non-seulement une carrière noble et belle qui m’attirait par sa grandeur et sa poésie de tous les âges ; défendre l’opprimé, ou implorer la miséricorde de ce grand justicier qui s’appelle le monde, sont deux missions aussi belles l’une que l’autre et qui m’enthousiasmaient d’une égale façon : mais et surtout j’y voyais encore mon indépendance et ma liberté conquises par mon travail.

J’ai donc travaillé le jour, moi, le paresseux ; j’ai travaillé comme un mercenaire, comme un ouvrier à la tâche, pour gagner de quoi manger, de quoi me vêtir, afin de pouvoir travailler la nuit à ce droit, qu’on m’envoyait étudier sans m’en donner les moyens.

J’ai vécu seul, moi, l’homme entraîné par des relations dangereuses, parce que je n’avais que bien rarement, et encore en courant, le temps de serrer la main à quelques hommes de mon âge ! Mes heures étaient