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LA PERLE DE CANDELAIR

affectueuse, et d’une voix douce, quoique grave et décidée, il répondit :

— Vous en avez assez dit, ma mère ; n’allez pas plus loin, je repars.

— Comment ! tu repars ! interrompit Mme Daubrée en arrêtant sur le jeune homme ses regards étonnés.

— Que voulez-vous que je fasse ici ? continua Étienne en s’animant peu à peu, tandis que ses yeux bleus lançaient des éclairs. Vous et mon oncle avez des idées que je ne tâcherai même pas de modifier : je sais trop qu’à cet endroit toute tentative serait inutile. Je ne suis pour vous qu’un paresseux, un garçon sans conduite, sans intelligence et sans cœur, un membre inutile que l’on nourrit parce qu’il semble plus facile de lui donner quelques aliments que de le retrancher brusquement du corps qu’il épuise !

Il n’est d’ailleurs ni dans votre caractère ni dans celui de mon oncle de prendre une décision énergique. Vous consentez à me souffrir sous votre toit, à votre table, plutôt que de me dire ouvertement : « Va-t’en ! »

— Oh ! Étienne, soupira doucement la grand’mère, qui ne comprenait rien aux plaintes âcres et douloureuses que la dignité et l’âme blessée du jeune homme faisaient entendre.

— Laissez-moi achever, ma mère. Aussi bien il y a trop longtemps que toutes ces choses m’étouffent : l’heure est venue de les dire. Je vous ai écoutée jusqu’au bout ; laissez-moi dire à mon tour, non pas ce dont j’ai le droit de me plaindre — je sais que je n’ai de droit d’aucune espèce quoiqu’on ait amoncelé les devoirs sur ma tête — mais ce que j’ai souffert, ce que je souffre maintenant, et