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L’ONCLE ISIDORE

pensiers de leur temps et de celui des autres, de leur bourse en même temps que des deniers de leur prochain ! Sans cela, toi qui sais que tu n’as d’autre avenir que celui qui te viendra des bontés de ton oncle, tu ne l’aurais pas ainsi indisposé contre toi. Au reste, M. l’abbé nous a dit, en venant nous voir ces jours passés, qu’il ne pouvait en être autrement ; que Paris était pernicieux aux jeunes gens, parce que c’était un lieu propice aux entraînements vers le mal.

Étienne avait écouté jusque-là Mme Daubrée sans faire un mouvement, sans dire un mot qui pût laisser deviner ce qui se passait en lui et toute l’indignation qui soulevait son cœur.

Par nature et surtout par la nature de son éducation, Étienne était un peu sauvage. Il ne permettrait guère aux étrangers de se mêler de ce qui le touchait de près ; il avait vécu très-seul, et par cela même n’était pas démonstratif. Il savait supporter une douleur sans éprouver le besoin d’en faire confidence, et lorsque par hasard il lui venait une joie, il ne cherchait non plus personne à qui la raconter.

La souffrance enseigne la dignité ; sous ce rapport Étienne avait été à bonne école ; — mais sa patience se trouva à bout quand sa grand’mère lui fit connaître — « l’opinion de M. l’abbé. »

Ce fut la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Quand Mme Daubrée s’arrêta pour reprendre haleine, le jeune homme allongea sa main sur celles de sa grand’mère qu’elle avait jointes sur ses genoux comme si elle se fût momentanément abandonnée à une prière mentale ; il s’y appuya légèrement avec une certaine autorité