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L’ONCLE ISIDORE

donnée pour me comprendre et m’aimer, et tu es venu me dire : « Je suis là, près de toi, ne te plains pas trop. »

Il reprit plus tranquille, sinon plus heureux, le chemin de la maison de son oncle, pendant que Lou-Pitiou le suivait pas à pas, le nez dans ses talons, comme aux jours lointains de leurs promenades sur la montagne.

La porte de la Chartreuse n’était pas fermée. La grand’mère, qui veillait en attendant l’enfant prodigue, avait laissé les choses disposées de la sorte, afin qu’en arrivant Étienne n’eût pas à frapper, ce qui eût pu réveiller l’oncle Isidore, toujours couché à cette heure indue.

Étienne n’eut donc qu’à appuyer légèrement et la porte roula sans bruit sur ses gonds discrets.

— Est-ce toi, mon enfant ? demanda une voix douce qui se croyait calme, quoique au fond il fût impossible de ne pas sentir qu’une profonde émotion l’agitait. — Est-ce bien toi, mon Étienne ?

Et la brave grand’mère se laissa aller, malgré le ressentiment qu’elle devait avoir, malgré tous les projets de sermons qu’elle avait élaborés, pendant ses heures d’attente, à embrasser le jeune homme tout comme si elle n’avait pas cru avoir à se plaindre de lui.

— Ah ! méchant enfant, dit-elle, faut-il te tant aimer encore, malgré tout le chagrin que tu me donnes ! Me faut-il, vis-à-vis de moi, comme vis-à-vis des autres, n’avoir jamais à constater que ma faiblesse pour toi !

Étienne allait répondre ; elle ne lui en laissa pas le temps : l’arrêtant d’un geste affectueux et craintif à la fois, elle reprit d’une voix plus basse encore :