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LA PERLE DE CANDELAIR

emporte loin de toutes les choses pénibles de la vie.

Il fallait en rentrant à Candelair qu’il fît un abandon complet de tout son être, pour ne plus être que le neveu de l’oncle Isidore, l’enfant élevé par les charités réunies de M. Letourneur et du gouvernement ; non que la reconnaissance lui pesât, mais le reproche permanent le blessait.

Puis, les travailleurs ont besoin de vivre seuls et libres.

Sans se rendre compte de ce qui l’effrayait dans la perpétuelle dépendance qui menaçait son avenir, il tressaillait par moments comme un cheval de race qui se sent tout à coup une entrave qu’il ne peut briser, une attache qu’il ne peut rompre.

Enfin, trois jours après, il descendait de voiture sur ce qu’on appelle « les fossés » de la patrie de M. Letourneur.

C’était dans les derniers jours du mois de mars ; il faisait encore mauvais : dix heures venaient de sonner à la paroisse et se répétaient à la tour de Saint-Bourthoumiou. Sauf quelques rares passants qui allaient presque en courant d’un point à un autre, vu que le brouillard était épais et froid, Étienne était seul sur les fossés.

En entendant ses pas résonner sur les pavés boueux, le jeune homme se sentit plus attristé qu’il ne l’était encore, quoique la chose pût paraître difficile ; ce bruit cadencé, monotone, n’allait éveiller aucune tendresse, animer aucune joie.

Il est des moments, des dispositions du cœur et de l’esprit qui nous font désirer des baisers à l’accueil, des caresses pour le retour. L’âme a besoin qu’on lui souhaite