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L’ONCLE ISIDORE

monta dans la diligence en homme qui n’ose pas trop s’appesantir sur ce qu’il fait, dans la crainte d’arriver à faire tout le contraire.

Étienne avait vingt ans ; c’était un beau garçon à l’allure un peu fière, que tempérait une douceur admirable.

D’où venait, au milieu de cette famille tout-à-fait terre à terre, cet enfant dont l’esprit était d’une ampleur virile, et en même temps d’une délicatesse vraiment féminine ?

Ces anomalies se rencontrent quelquefois, sans que les plus habiles psychologistes en aient pu donner l’explication. Nous ne le tenterons pas davantage ; nous nous bornerons à constater le fait, qui se reproduit, au reste, dans tous les ordres de la nature.

Une plante vient-elle à naître, sans qu’il y ait de raison apparente, au milieu de plantes qui lui sont tout à fait étrangères, et dans un terrain qui ne lui convient en aucune façon, on s’inquiète, on cherche, on questionne, on discute beaucoup ; puis, après s’être longtemps frappé le front pour en faire sortir une idée lumineuse, un savant dira : — C’est le vent !

Mettons que le vent était pour quelque chose dans le cas d’Étienne, et disons qu’Étienne était grand et mince comme les jeunes gens dont l’esprit, sans cesse en travail, prend au corps la plus riche part de sa sève. Ses mains et ses pieds étaient d’une délicatesse extrême ; mais le pied était un vrai pied de montagnard, cambré, nerveux, sec, fait pour les longues courses, les ascensions périlleuses et ne connaissant pas la fatigue.

La main, brune et maigre, avait sous son apparence