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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

qu’il était en face de sa jeunesse reconquise, qu’il a vingt ans et pas d’habit ! Mais aussi quelle moisson de baisers sur les lèvres, que de brillantes et joyeuses larmes sous ses paupières, et de quel pied léger il va faire le tour de la ville, ce soir, ayant Mariette à son bras !

En face de ce mirage des jours heureux, il abaissa vite son regard, couvrit ses yeux de sa main pour ne pas permettre à toute cette gaîté de le quitter encore. Il tient à conserver en lui ce tableau du passé que Mariette illumine de sa tendresse franche et souriante, et, d’une voix qui fait trembler, dans sa poitrine, ce cœur qu’il croyait mort, il dit à l’ouvrière :

— Demain, veux-tu venir déjeuner à Fraîche-Fontaine ?

— Fraîche-Fontaine est à nous, et ma marraine nous y attend, répondit la jeune fille de sa voix musicale et cadencée, absolument comme autrefois.

Puis, voyant Etienne absorbé, le front caché par sa main, elle se retira, le laissant songer à cette campagne où s’étaient échangées leurs premières caresses, et dont elle était tout heureuse de lui voir conserver un si bon souvenir.

Étienne alors se prit à pleurer de bonheur ; il était persuadé qu’il allait se reprendre à la vie, il venait d’en retrouver la source féconde et charmante.

C’était là-bas, au bord de la grande prairie, qu’il aurait dû aller le chercher tout d’abord, au lieu d’aller accroître sur la montagne le dégoût si profond qu’il avait déjà de l’existence.

Quand le lendemain il se leva pour aller à Fraîche-Fontaine, il y avait déjà longtemps que Mariette y était