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LA PERLE DE CANDELAIR

retrouva pas le courage d’être lui-même, de se plaindre tout simplement et tout naïvement de ce qui le faisait souffrir et de pleurer les larmes qui l’étouffaient.

L’homme sérieux, spirituel et distingué, aime généralement beaucoup la femme, par une raison qui paraîtra tellement naïve que l’on en sourira à coup sûr ; mais cette raison est tellement vraie que nous ne saurions la taire en cette modeste étude.

L’homme est tenu, devant ses semblables, à une certaine allure froide qui prouve sa distinction ; à un sérieux qui semble attester son savoir et à une tempérance de discours qui donne de son esprit une haute idée : car on est toujours avare des choses précieuses ; c’est ainsi que l’on explique son peu de paroles.

Les plus francs sont pliés, malgré eux, et de bonne heure, à cette innocente mais fatigante comédie ; ce masque qu’ils portent partout, toujours, à toute heure, ils ne peuvent le déposer que lorsqu’ils sont avec la femme, avec une femme surtout ; car celle-là leur permet de parler de tout, comme bon leur semble, et aussi longtemps qu’ils le veulent.

Elle les laisse se dérider tout à leur aise, rire, chanter, pleurer ou jouer, selon leur inspiration du moment. Ils peuvent dépouiller leur raideur systématique, être jeunes, bavards, joyeux, être enfants surtout, ce qui est pour ces hommes graves la chose parfaite avant toute autre. Elle ne les juge pas, Elle ! Elle ne fait pas partie des contemporains qui pourtraitaient leurs semblables, elle ! Elle les écoute sans les entendre et tout simplement pour leur faire plaisir ; elle les regarde, parce que pour elle ils sont lui. Elle aime et n’est point redoutable.