Page:Lacroix - La Perle de Candelair.djvu/395

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
387
LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

sans un léger dépit ; il la suivit d’un regard qui, malgré sa tristesse, était presque suppliant. Mais Valentine ne vit rien, ou ne voulut rien voir ; elle rentra chez elle tranquillement, ayant acquis le droit, depuis les premières heures de son mariage, de laisser monsieur s’ennuyer tout seul en son retrait, et porter sans son aide ses peines, ses inquiétudes et ses tristesses.

Pourtant Étienne a frappé chez Valentine, il veut causer avec elle ; ce cœur qu’il sent vieux et presque mort, il veut tenter de le rajeunir, il veut essayer de le galvaniser, et il espère qu’auprès de sa femme, qui est presque une enfant, il trouvera le remède après lequel il court, sans oser croire qu’il l’atteindra.

Mais sa jeune femme a muré son âme à toutes les tentatives que maintenant pourrait faire son mari. Il est devenu pour elle, avec les heures du passé en moins, et sans l’ombre charmante des dix années d’amour vécues par Étienne, ce que Mme Malsauge est pour lui.

C’est le minotaure qui a dévoré sa jeunesse, c’est le manteau de glace qui a empêché d’éclore toutes les fleurs brillantes et parfumées que la jeune pensionnaire portait dans l’âme ; c’est l’ennemi, avec lequel elle ne saurait vivre en mauvais termes apparents, puisque rien d’apparent ne l’y autorise, mais qu’elle ne saurait pas davantage aimer, quoi qu’il puisse tenter maintenant pour rentrer en grâce : Il est trop tard !

Étienne lui-même, quand il fut près de Valentine, se sentit interdit en face de cette grâce tout de marbre, et, malgré le désir qu’il avait de causer, de se faire plaindre, de faire bercer les douleurs qu’il éprouvait par l’esprit d’une femme intelligente et distinguée, il ne