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LA PERLE DE CANDELAIR

Ce soir là donc Etienne, plus triste, quoique mieux portant, ne pouvait souffrir la vieillesse de cœur dont il se sentait atteint, et il en était arrivé à se demander si son retour à la santé était un bienfait dans de semblables conditions.

Il y a des études de cœur que l’on n’aime point à faire tout seul, surtout lorsqu’on y est pour quelque chose, et que l’on a lieu d’espérer que l’esprit ou l’expérience des autres seront capables de nous apporter une lumière profitable et de nous montrer un chemin à prendre qui nous fasse sortir de l’impasse où nous nous sentons mal à l’aise.

Étienne ne pouvait le nier, il était jeune de corps, il ne voulait pas rester vieux de cœur et d’âme ; il se disait qu’en fouillant dans l’âme et dans le cœur des autres, il trouverait peut-être le secret de cette jeunesse qu’il ne se sentait plus capable de reconquérir tout seul.

C’était un tourment sérieux et profond que celui qui s’était emparé de M. Jussieux, et jamais il n’avait été plus en droit qu’à cette heure de se trouver complétement malheureux.

L’homme ne vit pas seulement de pain et de santé matérielle ; il faut aussi que son cœur ait un aliment, qu’il le sente plein de vie et de force, au moins à l’égal du corps ; sans cela l’équilibre est rompu, et l’être imparfait se traîne dans l’existence, souffrant, mal à l’aise, mécontent de lui, des autres, et ne demandant plus qu’une porte entre-bâillée pour sortir de la vie où il se trouve si peu satisfait de tenir une place.

Étienne, après le souper, qui fut presque silencieux, ne vit pas sa femme se retirer dans son appartement