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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

resses qu’il recevait de lui, mais surtout de celles qu’il lui faisait, et de même qu’il avait gardé souvenance de la canne de M. Letourneur et de la fourche de l’aubergiste pour s’en méfier, de même il redoutait un nouveau voyage d’Étienne et il ne quittait plus son ami d’une minute dans la crainte d’en être encore privé.

Pourtant, tout sagement calculé, combien il devait davantage à Mariette qu’à M. Jussieux !

Mais, malgré tous les moralistes, malgré tous ceux qui tentent d’améliorer la race humaine et de mettre la réflexion, la reconnaissance, le devoir à la place de l’irréflexion et de l’entraînement du cœur, malgré tout et tous, l’amour ne saura jamais rien du devoir, sinon que le devoir est son plus mortel ennemi, et que le pauvre amour qui est sous sa domination n’y saurait vivre ; qu’il y dépérit et y meurt en bien peu de temps.

Les bêtes et nous, quoi qu’on en dise, nous sommes en beaucoup de choses, soumis aux mêmes lois sentimentales, avec cette seule différence que nous, nous sommes ingrats en parant notre détachement de déductions toutes à notre avantage, et que les animaux qui nous suivent dans ces détachements du cœur, rentrent dans leur indifférence comme dans un droit acquis à tout ce qui vit.

Lou-Pitiou aimait Étienne par-dessus tout, sans réflexion et sans remords, pendant qu’Étienne, à force de réflexion, en était arrivé à en vouloir à presque tous ceux qu’il avait aimés et à reporter sur lui, en regrets de toutes sortes et en tendre pitié, l’affection qu’il avait un moment égarée sur autrui.