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LA PERLE DE CANDELAIR

Mme Valentine était une honnête créature, pour laquelle il avait une très-grande estime ; mais il ne comprenait pas qu’elle pût jamais inspirer un autre sentiment à qui que ce fût, et surtout à lui.

Pourtant la première de ces deux femmes représentait son passé, sa jeunesse entière, et tout le bonheur qu’il avait eu, tandis que la seconde tenait dans sa main sa vie présente sous toutes ses faces ; elle était irrévocablement liée à son avenir. De tous les jours qui viennent, de toutes les heures qui lui restent à vivre elle en aura la moitié.

— Que tout cela est triste, triste ! murmura-t-il en descendant de la montagne, et la vie, ce soir-là, lui parut plus que jamais une moquerie du sort à laquelle il fit triste visage.

Lou-Pitiou seul n’avait pas changé, il allait le nez dans les talons de son maître, passant de temps à autre sa langue rose sur la main qu’Étienne laissait pendre abandonnée le long de son corps. En approchant de la ville où il savait qu’il allait retrouver Mariette, il hâtait le pas afin d’être toujours le premier à lui annoncer le retour du promeneur.

Il était vieux pourtant, bien vieux, le pauvre chien ; son œil était moins brillant qu’autrefois, ses jarrets moins souples aussi ; son cœur seul n’avait pas varié ; et comme si toute jeunesse devait venir de là, il était toujours de l’âge qu’il avait au temps que regrettait si fort Étienne ; son affection même semblait avoir grandi en raison des absences de son maître.

Il savait que ce maître était déjà parti, qu’il avait pendant bien des jours été privé, non-seulement des ca-