Page:Lacroix - La Perle de Candelair.djvu/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
383
LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

Mais elle ! elle ! comme il la voyait maintenant froide, coquette, ne prenant de cette grande passion que ce qui pouvait lui en plaire et ne déranger en rien l’ordre établi dans son existence.

Ah ! comme il lui en voulait, à cette heure, de ne pas s’être laissé aimer comme il le voulait et pouvait faire.

Comme elle tombait de haut dans son estime, cette belle Mme Hélène, dont l’amour mesuré, compassé et si parfaitement plié à toutes les lois du monde, l’avait brisé, l’avait désenchanté et vieilli bien avant l’âge.

Quel compte sévère il lui demandait, dans son cœur, de sa jeunesse qu’elle avait éteinte à plaisir pour le faire de son âge, et de sa sauvagerie qu’elle avait si vivement calmée et civilisée, afin de faire de lui un homme comme tout le monde, parce qu’elle était, elle, une femme en tout semblable aux autres femmes.

Au bout de quelques jours de promenades solitaires sur la montagne et dans les champs qui avoisinent Candelair, le cœur et l’esprit d’Étienne avaient chèrement fait payer à Mme Malsauge, et à son souvenir, les dix aunées de bonheur qu’il lui devait et qu’il avait si royalement soldées.

Il en vint alors à songer à son mariage, et le regardant comme un don de Mme Hélène, puisque c’était son œuvre, il le classa dans les choses mauvaises pour lui et dont il devait avoir à se plaindre.

Quant à Valentine, le jugement qu’il avait une fois porté sur elle ne changea pas ; il ne se donna même pas la peine de l’étudier à nouveau, pour savoir s’il n’y avait pas lieu à y apporter quelques modifications.