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LA PERLE DE CANDELAIR

et si sensible, ne reconquiert pas sa confiance, et la jeunesse qu’elle a perdue s’en va rejoindre les neiges d’antan, que rien ne saurait ni retrouver ni faire revenir.

Sa force physique et sa santé furent les seules choses qu’Étienne, en parcourant la montagne, retrouva de tout un cher passé qu’il cherchait à reconstruire.

Ses rêves envolés ou tués par la réalité, ses beaux et splendides rêves, le berceau en était là, chaque sentier les lui rappelait, il les voyait, il les écoutait bruire dans les branches, il apercevait leur ombre courant sur les mousses ou se glissant de buisson en buisson, allant d’un rocher à l’autre et se réfugiant, lorsqu’il voulait les ressaisir, dans les calices de ces fleurs sans pareilles qui poussent seulement sur les plus hautes cimes, et dont il faisait de si beaux bouquets pour Mme Hélène, aux temps heureux où ses illusions étaient jeunes comme lui, et où ses rêves le poursuivaient, tandis que maintenant il courait après eux sans les pouvoir atteindre.

Cette belle Mme Hélène qu’il a tant et si longtemps aimée, il a fallu qu’il revînt là où était né son amour pour elle, pour que le jugement, ce terrible miroir où se reflètent, dans une vérité sans voile, nos sensations et nos passions, la lui montrât ce qu’elle était en réalité.

Il la revoyait là, cette femme si ardemment aimée, traînant sur la pierre brune et mousse de la montagne les longs plis de ses peignoirs de mousseline ; il songeait à l’amour entier, jeune et fou dont il l’avait entourée ; pas une des sensations vivantes qui l’avaient agité, fait vivre et torturé ne s’était effacée de sa mémoire. Il remuait en lui ces souvenirs dont pas un ne s’était amoindri ni éteint.