Page:Lacroix - La Perle de Candelair.djvu/380

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
372
LA PERLE DE CANDELAIR

loin les amandiers, avec leur feuillage grêle, ayant laissé choir leurs fruits, s’agitaient au souffle du vent, semblables aux branches des trembles qui forment la lisière des bois, qui sont nombreux dans les demi-hauteurs.

— Comme je me croyais malheureux autrefois, pensait l’homme éminent, parce que je n’avais pas d’argent, parce que je n’avais pas d’habits, parce que je n’allais pas dans le monde ! Ah ! heureuse époque où je vivais seul et à ma guise. Que l’enfance, que la jeunesse surtout sont inconscientes de leur bonheur et qu’elles se préparent d’amers regrets pour l’avenir.

En remuant en lui le souvenir de toutes ces choses qu’il avait si fort dédaignées autrefois et qu’il trouvait si charmantes aujourd’hui, Étienne se sentit ému.

Cela l’étonna.

Il sentit battre son cœur !

Il écouta attentivement pour se bien assurer que la chose était vraie et que son imagination ne le trompait pas.

Son cœur s’agitait presque comme au temps passé, et son émotion était charmante.

― Mais je suis jeune encore ; mais je puis encore vivre, se dit-il presque heureux.

Au fait, reprit-il après avoir compté à plusieurs reprises le petit nombre d’années qu’il avait vécu, je n’ai que trente-trois ans. C’est le commencement de l’existence, et je ne saurais abandonner si vite tant de choses bonnes et charmantes qui se trouvent encore en face de moi et qui me doivent revenir.

Il était si heureux de la découverte qu’il venait de faire dans son esprit, qu’il éprouva le besoin d’en parler et peut-être aussi eut-il le désir de trouver quelqu’un