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LA PERLE DE CANDELAIR

le temps perdu, et j’ai, d’un autre côté, contracté pendant ma maladie, quelques dettes que je suis dans l’impossibilité d’éteindre sans votre aide. »

Tant que dura le jour Mme Daubrée invoqua tous les saints du paradis ; mais le soir venu, une fois le dessert sur la table, elle tendit à son frère le mot qu’elle avait reçu d’Étienne, y joignit une prière basse et tremblante, puis attendit, le cœur serré, qu’Isidore Letourneur en eut fini la lecture.

Épargner de l’argent, ayant été l’unique but de toute sa vie, en demander, et pour payer des dettes encore, lui semblait une si subversive énormité qu’elle en était atterrée, elle-même, en face de ce frère dont elle savait par cœur les deux vertus dominantes : l’ordre et l’économie.

M. Letourneur n’était pas un vieillard colère, loin de là. Aussi, ne s’emporta-t-il pas. Il lut la lettre d’Étienne jusqu’au bout avec attention, la relut pour s’assurer que rien ne lui avait échappé, puis il la plia avec soin et la rendit à Mme Daubrée qui attendait anxieusement une réponse. Mais son frère se taisait toujours.

— Eh bien ! demanda-t-elle en portant son regard d’Isidore à la lettre, de la lettre à Isidore.

— Vous avez gâté cet enfant ; aussi votre petit-fils ne fera qu’un mauvais sujet, dit-il d’une voix calme. Avoir des dettes à son âge, quand on reçoit comme lui, de ses parents, de quoi subvenir honorablement aux nécessités de son existence !

Je sais bien, car je m’en suis aperçu en maintes circonstances, poursuivit l’oncle Isidore, qu’il a beaucoup de ressemblance avec son père ; s’il avait de la fortune