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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

dont elle parcourut tous les sentiers dans lesquels elle se reconnaissait, avec une fraicheur de mémoire qui, déjà, déridait le front d’Étienne.

M. Étienne Jussieux était seul en voiture avec sa femme. Mme Hélène, qui, étant l’intime amie de la maison, aurait eu toutes les bonnes raisons possibles pour être du voyage, était partie pour Rome. Sa toute nouvelle et jeune dévotion avait éprouvé le besoin d’aller chercher la bénédiction papale, et M. Malsauge, dont la cour ne pouvait plus se passer, avait, disait-on, un peu aidé à la décision de sa femme, en la priant de vouloir bien se charger d’une officieuse mission qui ne perdait rien de son sérieux, ni de son autorité, en passant par la bouche gracieuse de Mme Hélène.

Étienne était donc seul avec sa femme, et comme il avait de l’étendue de son esprit et de son jugement une fort mince opinion, il ne se gênait pas pour laisser son imagination courir à l’aventure, c’est-à-dire qu’il s’occupait très-peu de sa compagne de voyage et beaucoup de lui.

À mesure qu’il approchait de Candelair et qu’il reconnaissait l’aspect tout particulier de la campagne de ces pays-là, il sentait une étrange émotion s’emparer de lui, il lui semblait qu’il dépouillait peu à peu le vieil homme, cet homme de Paris avec lequel il vivait en si bonne intelligence depuis plus de dix ans, et qu’il rentrait dans l’existence de l’Étienne d’autrefois.

Il regardait les champs couverts de maïs, les coteaux chargés de vignes, les tabacs qui, dans les terres fraiches de la plaine, étalaient leurs feuilles immenses et comptées par la régie, au brûlant soleil du midi ; au