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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

ment et la lassitude de l’esprit et de l’âme avaient fait plus de besogne à l’œuvre mauvaise que tous les travaux auxquels Étienne aurait pu se livrer.

M. Jussieux, sans en laisser rien paraître, était réellement et entièrement blasé sur les gens et sur les choses ; la vie ne lui semblait plus mériter tout le mal qu’il s’était donné pour l’arranger selon la vanité, et les grands appétits de bien-être avec lesquels il était arrivé de Candelair.

Peu à peu, malgré son apparence de jeunesse, il s’était senti devenir vieux ; son cœur, qui avait tant et si fort battu, il ne le sentait plus se mouvoir en lui ; il était devenu en face du jeu de l’existence un joueur habile, mais sans passion, les pions qu’il faisait aller et venir lui étaient tous d’une indifférence complète. Le jeu de ses adversaires ne lui procurait pas la moindre émotion.

La fortune et la chance, en le comblant de leurs dons, avaient si bien émoussé toutes ses sensations qu’il ne prenait plus le moindre intérêt à la vie.

Il ne se tourmentait pas et ne s’agitait point pour chercher un remède à son mal, car tout lui paraissait aussi peu enviable que ce qu’il possédait.

Ah ! il était bien complètement désenchanté et indifférent à lui-même autant qu’aux autres !

C’était un triste état, et qui inquiétait fort M. de Ferrettes.

En apprenant la nouvelle de ce départ, Mme Hélène sourit finement ; elle leva vers le ciel ses belles mains, en signe de surprise et d’étonnement, car les femmes, et Dieu sait si Mme Malsauge l’était dans la complète acception du mot, les femmes savent bien qu’il est inu-