Page:Lacroix - La Perle de Candelair.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
346
LA PERLE DE CANDELAIR

passion ne sauraient effrayer ; il bouillonne en elle des besoins de caresses et des soifs de dévouement que rien de ce qui l’entoure ne saurait assouvir.

L’affection régulière et compassée d’Étienne l’irrite et la blesse ; elle comprend que ces choses ne sont pas faites pour elle, qu’elle mérite plus ou moins ; et il lui semble qu’elle a été attachée, toute vivante, à un cœur mort ; ce qu’elle a de vaillant en elle s’en indigne et s’en révolte.

Elle porte donc sa croix avec l’ardente fierté des martyrs qui loin d’être insensibles à leur douleur, la ressentent bien toute entière ; mais ne sauraient s’en séparer pour accepter la seule chose qu’on leur offre en échange.

Et cet homme qui est son mari, cet homme qu’elle a trouvé un moment jeune et beau, qu’elle allait aimer, qu’elle avait même aimé, puisqu’elle avait attendu et espéré qu’il vint à elle pour se livrer alors à lui tout entière, cet homme occupe dans sa pensée la place de l’ennemi.

C’est lui qui résume, en face de sa jeunesse active et fière, le monde qu’elle méprise, la société qu’elle a en mince estime, la famille dont elle sent qu’elle est en droit de se plaindre, et la loi qui, sans l’avertir, sans la prévenir, sans l’enseigner, l’a rivée à jamais à cette froide existence, où tout est incolore, et dans laquelle son énergie s’indigne de s’étioler et de souffrir sans profit, sans résultat et sans plaisir, car elle sent qu’il y a de chères souffrances qui naissent du bonheur même auquel elles donnent un plus grand relief, et tout cela lui fait défaut par le fait de l’organisation sociale dont Étienne est pour elle la vivante représentation.