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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

vait pas donné à son cœur d’assez actives occupations pour la faire rompre avec le pli pris depuis bien longtemps.

En quittant brusquement le couvent et ses lectures incolores et ternes, ainsi qu’il convient d’en avoir à toute maison de Dieu bien organisée, Valentine eut pour professeur le monde le plus gracieusement cynique de l’Europe entière : le théâtre, dont Beaumarchais et Molière sont les grands maîtres, et la littérature de notre époque, dans laquelle une honnêteté ne saurait se glisser sans faire crier au scandale impardonnable de nos jours.

Il est facile de comprendre qu’en étant à une pareille école, la jeune femme ne pouvait pas faire autrement que d’avoir beaucoup à causer avec elle-même et qu’elle devait se livrer à de nombreuses et surtout à de bien diverses réflexions, si l’on veut bien considérer que Valentine était une fille intelligente qui avait d’autant plus pensé qu’elle avait moins parlé, et qu’avec sa jeunesse et son ignorance elle avait la curiosité des choses du cœur, qui est le réveil de toutes les jeunes âmes.

Ayant vécu au couvent, seule par le cœur, seule par l’esprit, elle portait avec elle un impérieux besoin de faire cesser cette solitude, et le rêve d’une douce vie à deux, cette affectuosité d’instinct que la femme possède, même avant de la savoir, la tourmentait, car il lui semblait en rencontrant l’amour partout dans les livres, au théâtre, dans le monde, partout enfin à côté d’elle, qu’elle avait droit à une part de ce bonheur, qui lui fût propre, et qu’elle ne pouvait pas, sans injustice, être frustrée de ce qui lui revenait dans le grand partage des