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L’ONCLE ISIDORE

Qu’on se figure, en connaissant Étienne et Mme Daubrée, la scène douloureuse qui suivit le départ de M. Letourneur.

La pauvre femme pleura en faisant au jeune homme la peinture de son avenir si le bienfaiteur se lassait. L’enfant, malgré lui, logique comme le sont tous les enfants, ne pouvait comprendre comment une demande si simple, à laquelle on pouvait aussi tout simplement répondre non, avait amené un pareil état de choses.

Cela, on le comprend bien, ne diminua pas l’attachement d’Étienne pour Lou-Pitiou ; au contraire, l’amitié des deux pauvres délaissés ne fit que croître, et plus tard l’un des plus grands chagrins d’Étienne, lorsqu’il se trouva à Paris, seul en face du travail, fut d’être privé de son chien, que les générosités de son oncle ne lui avaient pas permis d’emmener.

L’oncle Isidore avait en effet pensé qu’un avocat serait admirablement bien placé à la Chartreuse, et dès que son petit-neveu avait été reçu bachelier, il s’était hâté de l’envoyer faire son droit à Paris.

Auparavant, il avait eu soin d’établir le budget du jeune homme en calculant ce que lui, Isidore Letourneur, dépensait à la Chartreuse, dans cette bonne petite ville de Candelair, où la vie est presque pour rien.

Il n’avait pas manqué de retrancher encore du total une certaine somme, sous prétexte que plusieurs superfluités, qu’un homme de son âge et de sa position peut se donner, ne seraient que de mauvaises habitudes à prendre pour un enfant comme son neveu. Aussi l’embarqua-t-il pour Paris avec une bourse d’une légèreté fabuleuse.