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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

proche de sa chambre à coucher, afin de se paraître à elle-même, moins isolée en diminuant l’espace qui l’entourait ; car les habitudes reçues ne lui permettaient pas de peupler son logis d’étrangers, au moins dès les premiers jours de son mariage.

Étienne fut parfait de tact, de savoir-vivre, mais il y avait bien loin d’elle à lui, et rien ne paraissait vouloir, ni pouvoir les rapprocher.

Valentine avait ce mutisme qui vient du recueillement auquel s’adonnent les jeunes filles qui sont élevées loin de la famille, auxquelles manquent la tendresse maternelle et l’indulgence des grands-parents qui ne savent que sourire à ces jeunes visages qui croissent à leur ombre.

Alors que l’on est jeune, on ne vit jamais impunément au milieu de l’indifférence doucereuse et polie des étrangers ; car il en naît une habitude de se recueillir en soi-même, de vivre replié sur sa pensée, que l’on ne perd que très-difficilement, et à la condition que quelqu’un d’aimé et d’aimant vienne démurer, avec la patience et la volonté d’une persistante affection, le sanctuaire où se sont réfugiées les idées timides et craintives.

Il faut que l’amour fasse violence à ces jeunes cœurs pour arriver à les connaître, pour avoir le droit d’en prendre les trésors ; il faut un peu les conquérir. Tout cela c’est un travail, travail adorable et charmant, c’est vrai ; mais il faut avoir le temps, de même que la volonté de l’entreprendre, et M. Jussieux avait bien autre chose à faire vraiment, sans compter qu’il n’en avait pas le moindre désir.