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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

Ah ! qu’il lui tardait que tout cela fût fini, pour qu’il lui fût permis de revenir à ses travaux ordinaires, qui avaient pour lui un bien autre intérêt.

D’un autre côté, Étienne avait aimé Mme Hélène comme il n’est pas donné à un cœur d’homme d’aimer deux fois dans la vie ; il l’avait aimée entièrement, follement, ardemment ; cet amour avait subi, sans brusquerie, sans entrave et sans catastrophe, toutes les péripéties d’une entière existence. Il s’était développé dans le désir, il avait grandi avec la possession, mesurée et retenue que devait apporter, au don de sa personne, une femme de la distinction et de l’honnêteté de Mme Malsauge. Cet amour avait duré longtemps, entretenu par l’estime, par le charme qui y présidait, tout ce que peut durer la plus grande des passions.

Mais en usant dix années de son existence à ce bonheur charmant qui avait donné toutes les notes de l’amour, Étienne avait aussi usé en lui la faculté d’aimer à nouveau. Tout avait été éprouvé, tout avait été ressenti, tout avait été dit et écouté jusqu’au dernier mot.

Il est des amours de filles, amours du ruisseau, amours honteuses et malsaines, qui laissent, quand le dégoût fait rompre avec elles, un homme jeune encore pour de jeunes et pures amours ; mais des tendresses de grandes dames, quand elles envahissent le cœur d’un homme elles en prennent toutes les fleurs, elles en absorbent toute la vie, elles en ont reçu toutes les caresses, elles en ont écouté toutes les chansons joyeuses et passionnées ; aussi, quand elles s’en retirent ou quand elles les abandonnent, plus rien ne reste de l’aimé, qu’une vaine et trompeuse apparence.