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LA PERLE DE CANDELAIR

entièrement à lui, trotta si bien par sa cervelle, qu’il y puisa le courage d’adresser une prière à son oncle.

Aux premiers mots qu’il en disait en balbutiant, Mme Daubrée, voulant sauver à son petit-fils une verte semonce, l’arrêta d’un geste et d’un regard suppliants. Ce fut en vain : l’oncle Isidore avait compris.

— C’est cela, dit-il, un chien maintenant, un chien qui viendrait tout détruire dans le jardin, tout salir dans la maison, sans compter le surcroit de dépense que cela me ferait, car je pense qu’à votre âge vous n’êtes pas sans avoir entendu dire qu’un chien mange autant qu’un homme.

Que vous faudra-t-il encore : un cheval, un domestique, une voiture, une maison montée comme celle de M. le Préfet ?

Ah ! ma sœur, continua-t-il en se tournant vers Mme veuve Daubrée, qui regardait le fond de son assiette, pour se donner une contenance, de quelle étrange façon élève-t-on les jeunes gens de cette époque ? De notre temps, jamais nous n’aurions osé demander plus que nos parents n’avaient eux-mêmes. Un chien, maintenant que l’on paye un impôt pour eux ! En ai-je, moi, un chien ?

Comme il avait fini de dîner, Isidore Letourneur jeta sur la table sa serviette, que sa sœur se mit à plier avec soin ; puis il sortit pour aller à son cercle en levant les épaules.

Prêt à franchir la porte, il jeta ces mots terribles :

— Morigénez votre petit-fils, ma sœur ; sans cela je me verrais forcé de l’abandonner à lui-même. C’est jeter son temps et son argent par la fenêtre que de les employer pour ce monsieur.