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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

Ah ! c’est que les choses et les sentiments prennent des figures bien diverses au cours de dix années !

Mme Hélène en avait pris son parti, quelque pénible qu’il fût. Elle avait brûlé ses vaisseaux en allant faire elle-même une visite au Sacré-Cœur pour y chercher une femme qui pût convenir à M. Jussieux. Elle n’attendait donc maintenant que l’arrivée d’Étienne pour lui dire que les circonstances, le temps, les situations, faisaient une nécessité, pour eux deux, d’un nouveau genre de vie.

En se séparant du jeune homme, elle voulait rester son amie ; aussi crut-elle sage de parler la première de ce qui la préoccupait si fort.

Dès le principe, cela lui parut plus difficile qu’elle ne l’aurait cru ; mais peu à peu, l’étonnement du jeune homme aidant, les aspérités s’aplanirent. Elle-même fut toute surprise de la facilité avec laquelle elle était arrivée à dire tout ce qu’elle avait à dire sur un sujet qui lui paraissait tout à fait inabordable entre Étienne et elle.

— Ma bien chère amie, lui dit alors le jeune homme, veuillez, je vous prie, vous bien persuader que je n’ai nul goût, pas plus pour le mariage que pour toute autre situation en dehors de la mienne.

C’est un état dont je n’apprécie pas les avantages.

Le marquis et vous me poussez, avec je ne sais quelle énergie bienveillante et tout affectueuse, vers des horizons qui me sont si fort inconnus que, jusqu’à ce jour, ma pensée même ne s’y est point égarée, aussi je reste très-froid, très-indifférent, je vous le puis affirmer, en face de cette nouveauté que je n’ai ni appelée ni désirée et que je ne subirai que s’il m’est démontré, que par dé-