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LA PERLE DE CANDELAIR

qui me dévorent les paupières ; quand mon cœur enfin sera aussi sec dans ma poitrine que ces momies que l’on trouve, ayant encore l’apparence de la jeunesse et de la beauté, dans leurs bandelettes d’amiante au fond des luxueux tombeaux de la vieille Égypte ; quand cette chose que l’on appelle une âme sera desséchée et sans vie au dedans de moi, sous toutes les brûlures ardentes et actives que je subis et que je me fais moi-même, avec le fer rouge de l’implacable raison. Enfin, conclut-elle, on n’a qu’un certain nombre de larmes à répandre, du moins je l’espère ; on n’a qu’une certaine somme de chagrin à dépenser ; quand j’aurai usé et répandu tout cela j’aurai réglé mon compte avec le cher passé, alors j’entrerai, relativement heureuse et calmée, dans la vie nouvelle à l’agencement de laquelle je travaille si rudement.

Et de la meilleure foi du monde elle laissait tranquillement couler ses larmes, en attendant la fin comme une chose prévue et pour laquelle tout maintenant n’était plus qu’une question de temps.

Le soir, M. de Ferrettes vint passer une heure de solitude avec sa chère nièce.

Il vit bien que l’idée de la veille avait jeté de profondes racines ; que, malgré toutes les aspérités que présentait cette idée, elle avait été acceptée comme utile, disons mieux, comme inévitable ; aussi attendit-il, en parlant de tout excepté de ce qui le préoccupait, que Mme Hélène abordât elle-même l’épineuse question.

— Vous aviez peut-être raison, dit-elle au marquis, en affirmant que nous ne pouvions, ni vous ni moi, ne point marier M. Jussieux, après nous être si activement occupés de lui et de sa fortune jusqu’à présent.