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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

— C’est donc vrai, bien vrai ; le temps en est venu ; il me faut renoncer à mes dernières années de jeunesse, car je suis jeune encore ; il me faut abandonner mes joies, et rompre avec cet amour sur lequel j’avais assis tout mon avenir heureux, tant je le croyais immuable, éternel, tant je le croyais acquis à toujours par ces dix années heureuses.

Il est étonnant de constater que lorsqu’une chose touche à son dernier moment, on ne la regarde plus que comme un bonheur qui s’en va. Les instants de chagrin, les ombres, les épines, tout disparaît.

La dernière heure en fait une chose regrettable. En face de l’effacement, on s’attendrit, et l’on trouve aussi toujours quelques larmes à répandre sur le départ.

Nous sommes ainsi faits ; mais les femmes, encore bien plus que nous, se livrent à l’émotion larmoyante et chargée de regrets quand arrive une séparation : à ce qui va ne plus être, elles ne savent plus trouver que des charmes.

Donc, Mme Hélène trouvait douces, charmantes, bonnes et regrettables les dix années avec lesquelles le sort, représenté par le marquis de Ferrettes, voulait la faire rompre, et elle fut longtemps à les compter ces belles années, à en évoquer les heures perdues.

Les souvenirs rappelés revinrent alors en foule, tous chargés des fleurs et des grâces d’un amour heureux.

Et c’était à toutes ces joies qu’il fallait dire adieu ; c’était à ces choses charmantes qu’il fallait renoncer.

Que le sacrifice lui parut difficile, qu’il lui sembla douloureux, si bien qu’elle se demanda, en toute conscience, si cela lui serait possible !