Page:Lacroix - La Perle de Candelair.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
LA PERLE DE CANDELAIR

près avoir mis Étienne au pain sec, quoique ce fut un jour de sortie, et avoir fait brosser ses habits par la servante, tout rentra dans l’ordre.

À cette époque Étienne avait près de quinze ans. Il n’oublia jamais ni le coup reçu par Lou-Pitiou, ni sa punition, ni surtout l’excessive timidité de sa grand-mère.

Le soir, en rentrant au lycée, lorsqu’il eut fait quelques pas dans la rue, après que la porte eut affirmé, en battant fort contre la muraille, qu’elle était bien fermée, une ombre aussi joyeuse que muette s’échappa de l’angle du mur pour bondir dans les jambes d’Étienne.

Lou-Pitiou — car c’était bien lui — l’accompagna jusqu’à la grille du collège.

Le jeune homme, à partir de ce moment, ne passa plus une minute de ses jours de sorties dans la maison de son oncle. Aussitôt qu’il avait fait acte de présence à la Chartreuse, il gagnait la montagne, bien sûr que là, du moins, Isidore Letourneur ne viendrait pas le troubler.

De son côté, le chien, que son estomac n’attachait à aucun logis, allait l’attendre à leur rendez-vous habituel, hors de la portée de cet homme qu’ils fuyaient tous les deux comme leur trouble-fête.

Dire ce que les pauvres abandonnés trouvèrent de jouissances à vivre ainsi serait peut-être difficile ; mais, si quelqu’un de ceux qui nous lisent ont goûté les bonheurs de ces interminables promenades sans but, en compagnie d’un chien, qui ne vient jamais interrompre, d’une façon banale, nos rêves et nos contemplations, qu’il songe combien durent être douces ces longues heures de liberté pour les tributaires de la gêne.