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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

très-mesuré, puis encore, en prenant de l’âge, j’en suis venu à me demander comment ferait la société si on lui arrachait ses défauts, si on lui ôtait ses vices, si on la guérissait de ses plaies ; toutes choses dont, je suis persuadé, elle ne saurait se passer, tant elles font partie de tout son être.

À cette question que je m’étais posée, je n’ai pas su répondre d’une manière satisfaisante. Aussi, après avoir été, pendant un laps de temps fort court, je l’avoue, au nombre des novateurs et des démolisseurs — moralement parlant, — je fis volte-face pour devenir le plus ardent défenseur de la chose établie.

Je suis conservateur dans l’âme. Je ne veux pas que l’on touche à un des grains de sable de l’édifice social ; non que je le trouve solide ni parfait, mais parce que je crains d’un côté de le voir s’écrouler, et que j’ai une très-grande répulsion pour les architectes, pour les ouvriers et pour les manœuvres de la dernière heure, qui attendent son effondrement pour nous bâtir des institutions nouvelles, selon leur goût.

J’ai peu de confiance dans cet abri fantaisiste dont ils nous vantent les merveilles. Je me méfie de ce qui nous est offert par eux pour remplacer ce que nous avons. Aussi, mon cher Étienne, le mariage, comme nous le possédons, tout imparfait qu’il puisse vous paraître, tout imparfait qu’il soit, me rassure encore davantage, pour l’avenir du monde dont je fais partie, que les songes creux des idéologues qui prêchent la liberté des unions ou, si vous aimez mieux, l’indépendance des accouplements, faisant à l’homme l’honneur de le ravaler un peu au-dessous de la brute.