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LA PERLE DE CANDELAIR

elle sentait sa blessure profonde et douloureuse, moins elle voulait la laisser voir, aussi se mit-elle à sourire de ce sourire plein de finesse et d’indécision qui lui était particulier, puis elle dit d’une voix de tête qui ne trahissait pas la moindre attention :

— Vous avez sans doute bien raison, mon très-cher Étienne, car je me suis prise à regretter le passé absolument comme les gens trop heureux se permettent parfois de le faire, à propos de leurs années de collége, et peut-être vous gronderais-je beaucoup, si, au lieu d’être l’homme parfait que vous êtes maintenant, vous redeveniez, ne fût-ce que pour un instant, l’adorable et adoré sauvage que vous étiez autrefois à Candelair, sur la montagne et un peu à Paris : Tout est bien qui finit bien.

Pendant que les larmes qu’elle dissimulait lui retombaient sur le cœur, nombreuses et lourdes comme des gouttes de plomb fondu, elle souriait toujours d’une façon aussi charmante que gracieuse.

— Pardon, dit-elle enfin au jeune homme, en lui tendant la main, j’ai été un peu nerveuse, par conséquent légèrement étrange ; mais je pense qu’en considérant que l’exagération même de mes craintes ne fait que vous prouver mon affection, vous ne m’en voudrez pas trop de la mauvaise matinée que je vous ai fait passer.

— Mon amie, lui répondit Étienne entièrement trompé par l’habileté avec laquelle Mme Hélène avait reconquis son allure habituelle, je ne puis vous en vouloir de rien, et je ne saurai jamais vous garder rancune de quoi que ce soit.

Vous savez bien, n’est-ce pas, que ma tendresse pour vous est à l’abri de ces petits orages ?