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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

n’était point mort, qu’il n’était qu’endormi et que le souvenir était au fond du cœur, frais et jeune, sous la poussière des années, comme au bon temps des promenades à Fraîche-Fontaine.

Mme Daubrée, malgré que son petit-fils lui fasse servir, par son notaire, une pension assez sérieuse pour l’autoriser à se départir un peu de son excès d’humilité et de l’exagération de son économie, Mme Daubrée n’a rien pu changer à sa façon d’être. Le pli était pris.

Quant à l’oncle Isidore, sa vanité a pris d’incommensurables proportions ; il trouve Candelair une bien petite ville pour posséder un homme de son mérite. Il met les écus sur les écus avec cet amour hideux qui n’appartient qu’aux natures rapaces et personnelles dont il est le type le plus parfait.

Il salue à peine ses concitoyens, et les employés du gouvernement doivent le saluer le premier s’ils tiennent à obtenir un regard ou un coup de chapeau de sa grandeur Isidore Letourneur, l’oncle du secrétaire de M. le ministre ! Quand il trouve l’occasion de dire : Mon neveu, monsieur le député, il songe que M. le préfet est un mince personnage à côté de lui, et il écrase Mme Daubrée de sa superbe en lui expliquant comme quoi, sans lui, sans l’éducation qu’il a donnée à Étienne, sans le pain dont il a généreusement comblé toute sa famille, elle n’aurait pas l’honneur d’être la grand’mère d’une illustration.

La modeste veuve baisse la tête, trouvant qu’en effet son frère a raison, et elle prie Dieu très sincèrement et du fond de son cœur, sans malice, de conserver la vie et la santé au bienfaiteur de tous les siens.