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L’ONCLE ISIDORE

but et les gardiens du Soleil-d’Or ne furent plus appelés dans la ville que les loups de Thomas.

Ce couple mal appris, mal soigné, mal traité, mal nourri, et n’appartenant qu’à la tribu des meurt-de-faim, mettait au monde une nombreuse progéniture, qu’on jetait régulièrement à plein panier dans la rivière, tout en laissant provisoirement à la mère un petit, non par commisération, mais par mesure hygiénique.

Il arriva, je ne sais comment, un beau jour, qu’on oublia de noyer ce dernier quand le moment fut venu où on reconnut son ministère inutile. On ne daigna point non plus baptiser la bête ; seulement, comme c’était la moins grosse des trois, on l’appela tout naturellement « Lou-Pitiou » — le petit, — et le nom lui resta.

Ce petit être n’avait aucune raison pour être moins laid que son père et sa mère ; aussi leur fut-il parfaitement semblable.

Lorsqu’il fut tout-à-fait élevé, maître Thomas espéra en tirer un petit profit. La chose n’était pas facile et il fit pour cela nombre de tentatives qui restèrent infructueuses. En attendant, il continua généreusement à lui donner… le couvert. Quant à la nourriture, l’animal était arrivé à l’âge de raison et devait y pourvoir lui-même. Cela en fit un vagabond de premier ordre, en même temps que la plus intelligente de toutes les vilaines bêtes.

Ce point suffit pour donner aux gens qui ont étudié cet ordre de choses une haute idée de ses facultés intellectuelles.

Au moment où Étienne était inquiet d’affection, Lou-Pitiou était en quête d’un maître.