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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

que le bel esclave de son amour avait plus de mérite et qu’il était plus haut placé.

À mesure qu’elle voyait Étienne affirmer davantage sa personnalité et grandir dans l’esprit, en même temps que dans l’appréciation des autres, elle s’attachait plus fortement à lui, et si, dans les premières années de cet amour, qui avait atteint sa limite d’âge, elle avait laissé le jeune homme la beaucoup aimer, pendant qu’elle regardait, un peu curieusement, dans cette immense tendresse, dont un grand nombre de choses la charmait en l’étonnant, les rôles étaient bien changés, à cette heure, car elle aimait, au lieu de se laisser aimer, et sa curiosité, de même que son étonnement, s’étaient transformés en une crainte permanente de perdre, un jour ou l’autre, l’objet de tous ses soucis, l’homme aimé, et cet amour jeune et constant qui était comme une perpétuelle affirmation de sa beauté, de sa jeunesse, à elle, et de sa puissance féminine.

Avec cette crainte, qui n’était point du tout chimérique, la jalousie prit naissance dans le cœur de Mme Malsauge, elle suivit alors d’un regard inquiet toutes les évolutions du jeune homme ; ses démarches, même les plus simples et les plus naturelles, lui parurent recouvrir ou cacher des complots contre son bonheur.

Elle en vint à regretter, en plein Paris, dans le Paris des fêtes et des distractions, la pauvre petite ville de Candelair et cette belle montagne qui lui avait fait et gardé son sauvage.

Son œuvre arrivée à un tel degré de perfection lui fit peur : elle comprit qu’il pouvait peut-être, qu’il devait même lui échapper à un moment donné, et ses craintes