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LE SECRÉTAIRE DU MINISTRE

celle qu’il aimait, d’une adorable humilité et en circonscrivant ses moindres actes et son entière volonté au plus léger de ses désirs.

Il était brave jusqu’à l’audace et avait en même temps des craintes charmantes en face d’un sourcil froncé, quand ce sourcil-là était celui de sa reine.

Sa montagne, qui avait été pour lui un rude berceau, lui avait donné des nerfs qui avaient la puissance et la solidité de ressorts d’acier.

Aussi, au milieu de la génération appauvrie, rabougrie, pâle, haletante et souffreteuse qui hante les salons, Étienne tranchait comme eût pu le faire l’Apollon antique au milieu d’une assemblée de crétins ; mais toute cette force et toute cette puissance se courbaient devant Mme Hélène, et alors, pour elle, il devenait humble, soumis, sans force et sans volonté.

C’était bien réellement le triomphe de l’amour ; car jamais, en effet, amour n’avait si facilement et si entièrement triomphé de tant de choses rebelles.

De tout cela il ressortait que Mme Hélène était une heureuse parmi les femmes de ce monde ; mais c’est qu’elle était aussi la plus habile parmi les habiles.

Non-seulement, étant à Candelair, elle s’était fait aimer d’Étienne, et, en cela, nous sommes forcés de reconnaître qu’elle n’avait pas eu grand mérite ; mais dès qu’elle avait vu de quelle magnificence était le sentiment qu’elle avait inspiré, comme elle s’était attachée à ne pas effaroucher, à ne pas blesser ses sauvageries, ses étrangetés, à ne heurter en rien ce roc tout brut et tout d’une pièce qu’elle appelait, à juste titre : l’amour de son sauvage !