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LA PERLE DE CANDELAIR

Mais dix années déplacent bien des choses, elles en usent pas mal aussi, elles en transforment un grand nombre et en voient s’éteindre presque autant.

Ces dix années ont transformé Étienne ; elles lui ont d’abord apporté l’âge qui, d’un enfant, en a fait un homme.

Sa belle et charmante sauvagerie s’était en allée aussi peu à peu, atome par atome, toutes les aspérités de sa nature primesautière, puissante et parfois farouche à l’excès, ont été usées par le frottement continuel, doux, poli, mais sans repos et sans trêve qu’il a eu avec le monde et avec le plus grand monde, c’est-à-dire avec celui qui use le plus et le plus vite.

Alors ses ambitions de cœur ont osé s’affirmer, grandir, sous le voile du savoir dire et du savoir faire, et sont arrivées à demander satisfaction, puis à l’obtenir.

La vie de l’intelligence, la vie du luxe, la vie des fêtes, toutes choses qu’il avait si ardemment et si souvent désirées, dans la solitude de sa montagne et dans le secret de sa pensée, il les avait à cette heure, il les possédait, il en jouissait presque à satiété ; ses grands appétits avaient été appelés à des festins royaux et il se demandait parfois, en face de toutes les joies vers lesquelles il était maintenant libre d’étendre la main, s’il avait vraiment si fort désiré tout cela.

Mme Malsauge fut, dès son arrivée à Paris, très-fière du bel esclave qu’elle traînait à sa suite et, franchement, elle n’avait pas tort, car Étienne avait d’instinct, la science de ce qui plaît aux femmes du monde, aux femmes distinguées.

Il était indépendant et fier tout en se faisant, pour