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L’ONCLE ISIDORE

deux mains ; va-t-en, par pitié je n’aurais plus la force de te quitter, et, demain, je serais encore malheureux.

Mariette mit un long et calme baiser sur ses cheveux et s’en fut lentement, tout le long de la grande allée, jusqu’à la maison où elle s’assit à côté de sa nourrice qui surveillait le diner.

— Mère, dit-elle, embrassez-moi, j’ai du chagrin ; mon amoureux part pour Paris.

— Seigneur Jésus ! qu’y va-t-il faire ?

— Fortune, répondit laconiquement Mariette.

Ce mot-là est toujours comme un talisman pour les gens de la campagne.

— Vous direz à mes frères de lait que je veux acheter Fraîche-Fontaine, puisqu’ils veulent le vendre pour faire leurs partages sans dispute, mais je leur demande comme une grâce de n’y rien changer, pas un arbre, pas une bordure, pas un meuble du logis. J’aurai bientôt payé, puisque je m’établis et que je vais travailler double pour tâcher d’oublier mon gros chagrin. Vous, ma mère, vous resterez toute votre vie à Fraiche-Fontaine, vous n’avez que moi de fille, et les garçons, voyez-vous, ce sont toujours des hommes avant d’être des fils. Je viendrai vous voir chaque dimanche et nous causerons de lui.

— Nous pleurerons ensemble jusqu’à ce qu’il revienne, dit la bonne femme en embrassant Mariette ; car, vois-tu, rien ne soulage autant que de pleurer à deux.

Il paraît que Mariette était de cet avis, car elle ne changea rien au programme.

Le lendemain, dès la première heure, Mariette arrêtait un logement sur les Fossés, le quartier aristocratique de Candelair, et quelques heures après, elle s’y ins-