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LA PERLE DE CANDELAIR

montrer les besoins étranges de son âme avide de bonheur, ne craignant plus d’en faire connaître à la jeune fille le côté personnel et plein d’égoïsme, il lui dit brusquement et sans préparation aucune :

— Je pars avec M. Malsauge, qui m’a choisi pour être son secrétaire particulier.

— Ah ! cette femme vous aime, s’écria Mariette en se rejetant en arrière comme si elle eut voulu tout-à-coup mettre un espace infranchissable entre elle et Étienne ; c’est elle qui vous emmène, c’est elle que vous ne pouvez point quitter.

— Eh bien ! quand cela serait ! demanda Étienne d’une voix presque dure, tant l’émotion l’étreignait à la gorge.

— J’en mourrai dit Mariette en baissant son visage jusque sur les mains d’Étienne, où elle appuya ses lèvres comme on le fait pour baiser la croix au moment de quitter la terre pour un monde meilleur.

Non, dit-elle tout-à-coup en se relevant avec une certaine fierté, tu me laisses ta vieille mère, tu me laisses ton chien, tout ce qui, comme moi, a su t’aimer humblement, à ton heure, selon ton bon plaisir. Cette femme est pour toi comme la maîtresse pour laquelle on fait toutes les folies, pour laquelle on se ruine, pour laquelle on se tue. Tu la suivrais à pied si on ne t’emmenait pas. Je lui laisse sa part, et n’en suis plus jalouse : la mienne vaut mieux ! car vous m’aimez comme on aime la femme à laquelle on laisse le soin des enfants et des aïeux, pendant que l’on fait des folies loin du logis. Mais on y revient toujours à ce logis, Étienne, et je vous attends entre Mme Daubrée et Lou-Pitiou.

— Va-t-en ! s’écria Étienne en cachant sa tête dans ses